Maithili et Yves-Marie : « En venant ici, nous avons retrouvé un lieu de vie convenant à nos aspirations ! »

Yves-Marie et Maithili ont quitté leur vie parisienne après le premier confinement pour s’installer à Redon et lancer leur entreprise. Pour Yves-Marie, il s’agit d’un retour aux sources familiales et pour Maithili, un saut gigantesque très loin de Mumbai (appelée aussi Bombay). Rencontre.

Retour à Redon
Yves-Marie Rault et Maithili Chodankar profitent désormais de leur jardin Redonnais. Photo : Cactus

C’est devenu un sujet de société : le départ de milliers d’habitants des grandes villes vers de plus petites villes. Redon n’échappe pas à cette tendance même si elle est difficile à quantifier pour le moment.

"Le Covid a accéléré notre départ de Paris"

Pour Yves-Marie Rault et Maithili Chodankar, le départ de Paris était devenu comme une évidence, crise sanitaire oblige. « Quand la pandémie a frappé début 2020, nous nous sommes retrouvés coincés dans un petit appartement », raconte Yves-Marie. Pour Maithili, qui a quitté l’Inde en mai 2018 pour rejoindre Yves-Rault avec qui elle s’est mariée quelques mois plus tard, la situation joue le rôle d’« accélérateur ».

« En Inde, j'étais responsable de la communication pour le magazine Vogue, explique Maithili. Mais, à Paris, mon niveau en français ne m'a pas permis de retrouver le même niveau de responsabilité professionnelle. J'ai été recrutée dans une entreprise de digital marketing qui promeut des sites de paris en ligne. Le télé-travail est tout à fait adapté à l'activité, mais mon patron voulait la présence des salariés...»
Maithili Chondakar
Maithili

La situation est la goutte d’eau pour Maithili. Considérant ce métier comme « vide de sens », elle préfère démissionner. Il faut dire que couple a aussi envie de retrouver une vie plus proche de la nature, avec plus d’espace pour vivre et travailler.

rénovation redon
Le couple trouve une maison dans Redon. Début du chantier : il faut évacuer les encombrants. Photo : crédits réservés.

Se présente alors une opportunité : « mes parents habitent Redon, témoigne Yves-Marie. Ils nous informent qu’une vieille maison en pierre est à vendre non loin de la gare. Nous avons sauté sur l’occasion : nous l’achetons pour une bouchée de pain, car elle est à rénover entièrement. »

Décembre 2020, le couple emménage à Redon dans cette maison située sur les hauteurs de la ville. Heureux d’avoir quitté Paris. Un an et demi après, un des espaces est déjà rénové avec goût. Yves-Marie s’est lancé dans les travaux. Merci Internet et les tuto en vidéo ! Il s’agit surtout de faire avec les moyens du bord. Maithili se retrouve pour le moment sans revenus. Pas sans projet.

Yves-Marie rénove une annexe. Crédit réservé.

Yves-Marie, lui, n’a pas changé d’activité professionnelle. Covid ou pas, Paris ou Redon, le jeune enseignant-chercheur spécialisé en géographie du développement poursuit son métier qui demandait déjà des contacts à distance, des voyages et des temps de travail personnel. Ce qui a changé, de manière radicale, c’est le cadre de vie.

« En venant nous installer ici, nous avons retrouvé un lieu de vie convenant à nos aspirations », précise le Redonnais.

Une vraie proximité avec Paris

Pour ce dernier : revenir à une vie plus simple, avec plus d’activités manuelles et plus de lien avec la nature (d’où ces carrés de jardin déjà créés dans leur extérieur à étages). Pour Maithili : trouver un havre de paix à la campagne (« déjà un rêve quand je vivais à Bombay »), et un mode de vie plus sobre (Les vélos sont devenus leur moyen de locomotion principal).

Rapidement, le couple a entrepris d'aménager les extérieurs avec notamment de grands carrés pour y faire pousser des légumes. Photo : Cactus

A un peu plus de deux heures de la capitale, Yves-Marie peut se rendre en moyenne deux fois par mois dans les locaux des deux centres de recherche dans lesquels il exerce : l’Institut Francilien Recherche Innovation Société (Ifris) et le Centre Population et Développement (Ceped) à Paris. « Il y a de moins en moins de présentiel dans les laboratoires. »

Si Yves-Marie est ravi de cette nouvelle vie loin de Paris, vivre à Redon n’était pas du tout une évidence pour l’ancien élève de l’école Notre-Dame, du collège du Cleu Saint Joseph et du lycée Saint-Sauveur il y a quelques années.

Le cursus de Yves-Marie prend une tournure inattendue en 3ème année d’études (en 2013-2014). Il choisit le dépaysement total avec une année d’échange dans la prestigieuse université Indienne Jawaharlal Nehru University de Delhi, ville monstre de près de 20 millions d’habitants.

C’est une révélation pour lui. Au point que, de retour en France, il se spécialise sur le développement économique dans les pays du Sud. Objectif : retourner en Inde au plus vite. C’est ce qu’il parvient à faire en travaillant en parallèle de ses études pour des ONG indiennes dans le domaine des relations internationales et du développement urbain à Delhi.

Une thèse sur l'industrie pharmaceutique en Inde

Mais, il souhaite faire de la recherche sur le développement économique en Inde. Ce qui implique d’aller à Paris pour effectuer un Master à Panthéon-Sorbonne qui lui convient. « Alors que je revenais tous les week-end à Redon quand j’étais à Rennes, je dois m’éloigner progressivement », reconnaît-il. Les années s’enchaînent, comme les longs séjours que le jeune Redonnais fait régulièrement à Ahmedabad, Delhi et Mumbai pour collecter des données. Arrive la thèse doctorale passée à l’Université de Paris qui porte sur le développement de l’industrie pharmaceutique Indienne, sujet sur lequel il continue de travailler aujourd’hui.

C’est d’ailleurs lors d’un de ses séjours de travail à Mumbai, que Yves-Marie rencontre Maithili.

Aujourd'hui, outre l'installation à Redon et les travaux que l'état de la maison implique, le couple s'est lancé un défi supplémentaire : développer une entreprise éthique de fabrication de vêtements. « Un anti-Zara à partir de Redon », comme ils le revendiquent !

« Maithili est passionnée de mode depuis son enfance, je suis passionné par la culture indienne et désireux de contribuer au développement de ce pays, raconte Yves-Marie. Nous avons donc lancé notre marque de vêtement éco-responsable, Buno Behen, autour de coton recyclé et biologique, produit par des ONG de femmes indiennes. »

Les artisanes du Gujarat ayant confectionné les vêtements. Crédit réservé.

La première collection est sortie en mai dernier. Il s’agit de vestes et de salopettes en coton biologique, utilisant des chutes de tissu et rendant hommage aux grandes figures de l’émancipation des femmes. Des créations réalisées après un séjour en immersion auprès de collectifs d’artisanes du Gujarat.

Maithili expliquant le tracé d’un patron à une artisane Shital-min. Crédit réservé.

L’objectif principal est d’employer et de former des artisanes indiennes dans le respect des normes du travail et de production européennes en leur proposant un revenu décent pour leur permettre de s’émanciper.

Un sujet que Maithili connaît parfaitement : elle a grandi à Mumbai dans un quartier animé et historique appelé Dadar.

Vendeur de légumes dans le quartier de Dadar. Crédit réservé.

« C'était l'un des quartiers de Mumbai qui abritait des milliers d'ouvriers d'usine. Ils y ont émigré à Mumbai après le boom du textile du milieu du 19ème siècle. Les usines ont fermé il y a longtemps. Être conscient et recycler n'était pas une tendance mais un mode de vie pour les gens qui ont grandi dans notre quartier. Ayant grandi dans une famille typique de la classe moyenne des années 90, l'upcycling (transformer un produit pour lui donner une seconde vie) faisait partie de notre quotidien et de nos valeurs. Rien n'a été perdu. Les vêtements étaient soignés et transmis de génération en génération. »

Maithili présente un des modèles de salopette qu'elle a imaginée, en hommage à Simone de Beauvoir. Photo : Cactus

Une transmission de ce savoir-faire qui permettrait désormais de faire découvrir l’artisanat indien en France et en Europe en proposant tout à la fois des pièces uniques, à base de matériaux recyclés, et un moyen d’émancipation de femmes dans une société patriarcale.

Vêtements Buno Behen sur modèles-min. Crédit réservé.

Pour l’instant, la collection est exclusivement en vente sur Internet :

Buno Behen traduit signifie « tisse sœur », en référence à la manière dont les femmes artisanes s’adressent les unes aux autres comme « soeurs » (« Behen » en hindi) lorsqu’elles tissent (« Buno » en hindi) le coton.

Vous pouvez contacter Maithili sur Instagram buno_behen

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