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Tango argentin en Pays de Redon

Sebastian, danseur argentin de tango, s’installe au Pays de Redon avec sa partenaire, Marie, pour y proposer des shows et des cours. Il donne ses premières impressions à Cactus.

setm« Ciel, mon mari est muté en Bretagne ! », comme disait l’autre… Pour ma part, c’est une décision unanime prise au sein du couple. Unanime. Deux votes à zéro en faveur de la mutation en Bretagne. Qu’avais-je donc dans la tête ce jour-là ?

On m’a dit la Bretagne. Même venu d’Argentine, du fin fond des terres montagneuses du nord du pays, on sait qu’il pleut en Bretagne. Après vingt ans à profiter de l’été en décembre, puis dix ans sous le soleil d’Andalousie, le changement va être dur.

On m’a dit Redon. Redon, c’est où ça ? Un bled perdu entre trois, quatre grandes villes. Tout plein de villages autour qui, a t-on tenté de me convaincre, sont culturellement parlant très riches. C’est-à-dire ? On y organise des fêtes étranges où les gens boivent du cidre, mangent des galettes-saucisses et dansent en se tenant par le petit doigt ?

Eh oui, parce qu’on m’a dit qu’on y dansait, à Redon. Ça tombe bien, c’est ma profession, je suis danseur de tango avec ma partenaire qui, elle, est originaire du Pays de Redon. Mais moi, je ne danse pas sur du biniou ni sur de la bombarde. Je ne danse pas avec une robe longue, un tablier ou un chapeau sur la tête, et j’ai les auriculaires fragiles.

Pas de pastourelle ni de pas de polka
On va monter une association de tango, comme ça tu ne te sentiras pas perdu, m’a-t-on dit de nouveau. On cherche vraiment à me convaincre, donc… Je me laisse convaincre. On me présente des gens, qui connaissent le tango, d’autres pas. Des gens qui, en fait, ne portent ni sabots ni tablier. Et je commence à danser, avec ma partenaire. Pour les jeunes et moins jeunes dans les bars, pour les seniors dans les maisons de retraite, pour les cinéphiles au cinéma et pour les casaniers chez eux.

On organise avec les tangueros de la toute nouvelle association, CREAT Abrazo Tango, des journées de tango argentin, avec cours, milongas (des bals de tango) et démonstrations de danse, qui font venir des gens de tous ces petits patelins des alentours, mais aussi de Rennes, de Nantes et de Vannes. Après Renac puis Fégréac, c’est cette fois-ci Saint-Jean-La-Poterie qui nous accueillera le 5 novembre.

Et les gens sont contents. Et nous, on est contents aussi. Personne ne nous reproche à ma partenaire et à moi de danser en costard-cravate, ou avec des talons hauts, ou enlacés en étreinte fermée.

Alors on commence également à donner des cours à ces gens du Pays de Redon sans sabots, sans chapeau et avec des petits doigts normaux, intéressés par le tango. Pas de pastourelle ni de pas de polka mais des abrazos cerrados ou abiertos, des ochos, des barridas, des boleos et des ganchos viennent peupler les esprits et les jambes des apprentis danseurs, et c’est très joli à voir ces gens du pays gallo qui dansent le tango.

Finalement, cette mutation en Bretagne, cette décision unanime prise au sein du couple, elle en vaut la chandelle. On fait ce qu’on aime, danser le tango, parmi des gens accueillants, curieux de découvrir de nouvelles cultures et de s’essayer à de nouvelles danses… Et tout compte fait ce petit crachin ne mouille pas tant que ça !

Et certains week-ends, quand on ne travaille pas, on va se balader entre les gouttes dans un petit bourg pour écouter non pas du bandoneón mais de l’accordéon diatonique, un verre de cidre à la main. Et quand l’envie me prend j’attrape la main de ma partenaire pour entrer dans un rond de Saint-Vincent…

Sebastian Ovejero