Dans le pays de Redon, comme ailleurs en campagne, le recours aux guérisseurs, aux panseurs, est fréquent. Stéphane est l’un d’eux. Il se rend disponible -gratuitement- pour soulager brûlures, douleurs traumatologiques ou pour conjurer les vers. Il raconte.

Au départ, il y aurait une date de naissance : 28 juin. En l’occurrence, celle de Stéphane, artisan installé et vivant à Fégréac. « J’avais 12 ans. Un jour, ma grand-même me dit : Stéphane, tu panses ! Et elle m’explique : le petit voisin soigne les verrues et il est né le même jour que toi. Donc, tu as le don aussi. » La nouvelle ne le surprend pas plus que ça, le jeune Stéphane vit dans un univers où on va voir simplement le guérisseur, appelé aussi rebouteux, « frottou » (celui qui frotte par magnétisme ou en apposant directement ses mains) ou le « passeur de vers ». Lui-même a été pansé pour des vers quand il était petit.
ça marche ou ça marche pas ?
Loin de lui faire peur, Stéphane a l’occasion de tester ce don dont il aurait été gratifié : « un voisin avait une verrue sur le coude. J’ai mis ma salive dessus et au bout de deux jours, elle avait disparu ! Je me suis dit : je vais continuer ! ». Il grandit et acquière une petite notoriété, due au bouche-à-oreille et au fait, aussi, que dans les campagnes, il existe une croyance encore assez forte aux différents « dons ». C’est assez ordinaire d’entendre dire qu’un tel est allé consulter pour faire conjurer les vers du petit (ou ce qu’on pense être dû aux vers), pour soulager un zona ou une piqûre de guêpe ou de serpent… Le guérisseur jouit plutôt d’une bonne image dans l’inconscient collectif et, surtout, il peut représenter une dernière tentative pour régler un problème : on a envie d’y croire après être allé chez le médecin. En vain.
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Pour Stéphane, l’exercice rime avec humilité. Une modestie qu’il résume ainsi : « si ça marche, ça marche ; si ça ne marche pas, ça ne marche pas ! ». Les années passent et Stéphane se déplace même jusqu’à Ancenis et Saint-Nazaire pour conjurer, soulager, régler tel ou tel mal. Car, avec le temps, sa palette d’interventions s’est étoffée. En plus des verrues, il traite le venin, le feu (c’est-à-dire les brûlures), les maladies de peau, souvent en lien avec le stress. « Plus tu pratiques ; plus tu deviens fort, considère le père de famille. J’ai aussi rencontré une personne qui m’a beaucoup aidé. Elle m’a donné un livre avec des prières. »
A la question : es-tu catholique pratiquant ?, Stéphane répond non. Catholique de culture, mais pas plus. En revanche, les prières qu’il récite, surtout s’il traite à distance, sur la base d’une simple photo et de la date de naissance de la personne, sont des « Je vous salue Marie » et des « Notre Père ». Un mélange étonnant qui semble fonctionner. Mais comment ? « Généralement, le soir, je m’isole dans ma chambre et je pense à la personne. Il y a eu un échange pour connaître le problème, mais ça reste très bref, souvent ça se fait par SMS. L’essentiel passe par la pensée, pas par les mots. » En effet, Stéphane n’est pas un « disou », les mots vont à l’essentiel.
Pas d’argent (« un merci suffit ! »), alors quel est l’intérêt pour Stéphane ? « Même si beaucoup n’y croient pas, sont perplexes car on ne sait pas comment l’expliquer, j’aime rendre service, c’est tout. »

Pour en savoir plus sur ce qu’on appelle les « rebouteux », on peut vous conseiller le livre « Les rebouteux du Morbihan en 1900 » de Charles Géniaux, chez Stéphane Batigne éditeur. Une plongée au début du XXè siècle, lorsque les rebouteux, détenteurs de savoirs mystérieux parfois consignés dans des grimoires familiaux, étaient encore des personnages indispensables dans les campagnes.
Disponible en librairie (sur le pays de Redon : Libellune à Redon, La Grande Evasion à La Gacilly, Ste Hortense à Rochefort…) et sur le site de l’éditeur www.stephanebatigne.com/
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A retrouver dans le numéro de septembre-octobre 2023
