Malika est atteinte d’un cancer peu connu : le cancer du sein triple négatif. Elle a souhaité témoigner à l’occasion de la 3ème édition de la Gacilienne. Parler de sa maladie, de son vécu et de son combat pour faire mieux connaître cette forme de cancer et sensibiliser le public. Voici son témoignage.

« Je m’appelle Malika, j’ai été diagnostiquée en 2019 d’un cancer du sein, j’avais 33 ans. Je sais ce que vous vous dites : « Oh oui encore une ! C’est rien, ça se soigne bien maintenant… »
Mon cancer s’appelle « triple négatif » et il n’y a actuellement aucun traitement en France pour les femmes qui récidivent sous une forme métastatique (Note de la rédaction : cancer qui se développe dans une autre partie du corps).
"La pillule pourrait me tuer..."
« Alors non, ce n’est pas rose un cancer ! Ce n’est pas rose d’avoir un cancer qui n’a aujourd’hui aucune solution de traitement en cas de rechute. Il frappe souvent les femmes en-dessous 50 ans et même de moins de 40 ans (40 % des femmes diagnostiquées).
Il concerne aujourd’hui 15 % des femmes atteintes par un cancer du sein.
La particularité du triple négatif est sa récidive précoce car nous n’avons pas d’hormonothérapie. ce n’est pas un cancer hormonal. La pilule pourrait me tuer.

"Une femme mourrait à moins de 50 ans et je ne comprenais pas le silence"

« Le cancer du sein triple négatif fait partie des cancers rares au monde. Je fais partie d’un essai qui compte 600 femmes en France. Pour le moment, le protocole fonctionne sur moi. Je n’ai plus de traitement, je suis en rémission. J’ai des contrôles réguliers tous les six mois.
«Quand j’ai appris mon type de cancer, j’ai fait des recherches partout pour savoir qu’est ce que c’était un triple négatif.
J’ai lu que les femmes atteintes avaient en moyenne 5 % de chance de survie», explique Malika.
200 000 euros pour se faire soigner... à l'étranger !
Comme je suis jeune, je me suis connectée sur Facebook, j’ai tapé « cancer du sein triple négatif » et suis arrivée sur un groupe cancer du sein. Je me suis pris un choc post-traumatique !
Sur ce groupe, tous les jours, je lisais une mauvaise nouvelle. Une femme mourrait à moins de 50 ans et je ne comprenais pas le silence. Des femmes partaient en Allemagne dans des cliniques privées en ouvrant des cagnottes sur Internet à 200 000 euros ; elles y allaient car cela représentait leur seule chance d’obtenir un traitement. Je n’arrivais pas à voir l’espoir jusqu’au jour où j’ai rencontré des femmes en rémission ou en guérison sur Instagram.

Pour moi, c’est le déclic ! Je veux me battre pour ma fille Ghjuliana, et pour Lucas et Baptiste, mes beaux-fils, et mon mari. Je fais alors tous les jours une heure de marche, de la boxe et de l’escrime car je sais que le sport réduit considérablement les effets secondaires des chimio.
Je m’inscris à la sophrologie et à l’art thérapie à la Ligue contre le cancer. S’il y avait un soin de support que je voudrais créer, c’est la rigolo-thérapie parce qu’on peut rire aussi dans la maladie et ça fait du bien ! Comme la musicothérapie qui m’a bien aidé.
Et puis, j’ai pris la parole pour parler de ce cancer et des difficultés rencontrées pour sa prise en charge.
J’ai rencontré notamment Mumu, une femme exceptionnelle triplette en guérison et comme d’autres femmes, j’ai ouvert la parole pour cette cause appelée les Triplettes : les femmes atteintes d’un cancer du sein triple négatif. Ensemble, nous avons lancé une pétition en France pour les femmes atteintes d’un cancer métastatique ; elle atteint bientôt les 80 000 signatures.
Une pétition pour une meilleure prise en considération
Un autre témoignage
Cette pétition vise à demander l’ouverture des essais sans restrictions et notamment demander une prise en charge européenne dans le cas où la France n’a pas de traitement. Nous voulons également une réactualisation des chiffres sur le nombre de femmes concernées ; nous voulons une prévention et un dépistage pour les jeunes femmes à partir de 30 ans avec une échographie mammaire et une mammographie à 40 ans.
"En France, actuellement, nous sommes dans une impasse !"
Nous nous sommes aussi mobilisées car nous avions appris qu’un médicament -le Trodelvy- était bloqué en France alors qu’il est disponible aux États-Unis.
Nous avons alerté députés et sénateurs, cela a été une véritable action coup de poing !
Aujourd’hui grâce aux 300 soeurs de combat qui nous ont rejoint et du collectif « triplettes » qui fait bouger les choses, ce médicament est disponible sous conditions pour les femmes métastasées mais ce traitement n’est pas miraculeux.
En France, actuellement, nous sommes dans une impasse ! Il existe des essais thérapeutiques, mais quand on est en récidive et qu’il y a des métastases, il n’y a pas de solution.
J’ai aussi créé une affiche pour sensibiliser à l’auto-palpation avec une illustratrice Draw your fight. 30 000 affiches ont été partagées en un an.
Mon objectif est de sensibiliser en priorité les professionnels de santé et les entreprises.

Le 19 mars dernier, nous étions sur la Place de la République à Paris pour faire valoir nos droits de femme. Même si nous avons eu un cancer, nous avons le droit d’avoir un traitement et d’être dépisté à temps.

"Le cancer, une île déserte que vous devez apprendre à explorer"
Lorsque vous apprenez que cette bombe rentre dans votre vie, tout s’arrête, votre monde s’effondre, la société a peur. La maladie, oui, cela fait peur. Mais il faut tourner le miroir vers ces personnes.
Beaucoup de questions se posent à soi. Doit-on rester isolées tout le long du parcours ? Doit-on rester en silence parce qu’on a honte ? Peut-on vivre même en traitement en restant des hommes et des femmes ?
Dans ce monde parallèle, ça vous ramène à votre humanité essentielle. On redécouvre des choses de la vie qu’on ne voit plus : bienveillance, partage, entraide. Maintenant, je vis au jour le jour en me rendant compte de la chance de regarder le soleil chaque jour.
C’est pourquoi je m’engage. Aujourd’hui, dimanche 22 mai, c’est pour La Gacilienne.

Petit reportage en immersion par Cactus lors de la 3ème Gacilienne
Je suis très engagée aussi pour Octobre rose, pour la recherche et la sensibilisation au dépistage.
Marcher, courir, soutenir, vous engager est essentiel pour les personnes malades. Porter aujourd’hui ce tee-shirt vert, le vert qui représente l’espoir pour nous tous. Quand on est malade, on est au courant de toutes les courses marches qu’il y a sur le territoire et ça nous remonte le moral de voir que des gens se sentent concernées et sont impliquées dans la lutte.
Il faut des dons pour permettre aux malades de bénéficier de soins de support. Patrice -le président du Comité des fêtes qui organise la Gacilienne- m’a soutenu lorsque j’étais en chimiothérapie. Alors quand il m’a demandé si je voulais parler, bien sûr, j’ai accepté même si c’est très difficile pour moi de libérer la parole.
Aujourd’hui, je prends la parole devant vous pour la première fois en public.

Ce cancer m’a donné une autre mission de vie : bousculer les consciences mais surtout faire en sorte que l’on accélère la recherche.
Ce n’est pas facile mais je pense à mes amis qui m’ont quitté pendant mon combat. C’est pour toutes les personnes que j’ai perdues que je marche ce dimanche. Une centaine de femmes depuis 2019… mes étoiles qui me protègent de la haut. On dit souvent : elle a perdu le combat ! Non, pour moi, elle a gagné le droit d’être en paix.
On me demande souvent comment on peut t’aider Malika ?
D’abord, je voudrais vous dire que si vous parlez à quelqu’un qui est en traitement, il ne faut pas chercher pas à tout prix le pourquoi du comment de son cancer.
On dirait des agents du FBI en investigation… mais comment pouvez-vous aider cette personne ?
En revanche, ce que vous pouvez faire, c’est pratiquer l’auto-palpation une fois par mois après vos cycles à partir de 20 ans.
Vous pouvez m’aider en partageant les deux programmes de recherche en cours en France :
Vous pouvez aider enfin en faisant un don à ces deux centres.
Vous pouvez aussi aider en partageant mon histoire. En la partageant, vous aidez à faire reconnaître le cancer du sein triple négatif en France. Environ 9000 femmes sont concernées par an en France, 140 000 dans le monde.
Vous pouvez aussi faire un don au Collectif triplettes roses.
En 2018, en France métropolitaine, 60 000 femmes par an étaient concernées par un cancer du sein, le cancer le plus fréquent chez la femme. 12 000 ont moins de 50 ans et 12 000 en sont décédées, soit 33 par jours... Alors non, un cancer du sein ne doit jamais être pris à la légère.
Malika
En 5 minutes, je ne peux pas raconter 3 ans de combat mais je vais vous laisser en m’inspirant de l’écrivain Jean d’Ormesson :
Je n’ai jamais cessé d’être heureuse, on dit souvent que je suis forte mais je ne suis pas plus forte qu’une autre, je sais juste qu’il vous faut des bonnes armes pour faire la guerre. Vous savez il y a une phrase que j’ai souvent répété : merci pour les roses, merci pour les épines. Si vous parlez des roses, il faut pas oublier les épines. La vie n’est pas une fête perpétuelle, c’est une vallée de larmes mais c’est aussi une vallée de roses.

Pour conclure, j’ai une pensée à Aude, « triplette » membre de l’association Audalavie. Elle avait 35 ans et elle nous a quitté cette semaine.
(Ajout de la rédaction : Aude était atteinte d’un cancer du sein triple négatif métastatique. Elle avait lancé une cagnotte de 250 000 euros pour lui permettre d’accéder à des traitements d’immunothérapie et vaccinothérapie en Allemagne.)
Triplettes forever à Alexandra, Anissa, Sabrina, Murielle, Aude, Élodie, Émilie, Émilie, Charlotte, Monia, Sonia, Dorothée, Amy, Leslie, Mélanie, Guilaine, Anne-So et Anaïs.
Enfin je voudrais remercier tous les soignants de France dans tous les centres de lutte contre le cancer, notamment le Centre Eugène Marquis à Rennes. Bien sûr aussi mes amis et ma famille.
Vous pouvez rejoindre le collectif Autopalpation lancé par Mailka ou écrire à Malika sur Instagram collectif_autopalpation
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