Bivouac en Islande

Version longue de l’article publié dans le n° de janvier-février 2022 de Cactus-Pays de Redon.

Nicolas Burban est éducateur et a accompagné des jeunes en Islande. Un projet ambitieux, entre démarche artistique et découverte de soi. Il partage avec nous son bilan.

A noter : une exposition a lieu du 15 janvier au 23 février à la médiathèque de Rieux, ainsi qu’une soirée spéciale le 21 janvier.

Photo : Nicolas Burban

Partir avec 9 jeunes, dont la majorité avait 16 ans, au beau milieu de l’Islande, une nature assez hostile et « humide » on va dire, c’est quand même osé ! Comment est venue l’idée ? 

Nicolas : Je suis éducateur depuis un peu plus de 7 ans dans une maison d’enfance à caractère social (MECS) administrée par l’association les PEP Bretagne, à Sixt-sur-Aff. L’équipe éducative met parfois en place des projets permettant aux enfants et adolescents placés sous la protection de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) de « sortir des murs de l’institution ».

L’origine de ce projet bivouac en Islande est tout autre puisqu’il a surgi de l’imagination de Julie Seiller, une artiste Rennaise de la Compagnie Théâtre à l’Envers. Son idée était de faire partager une expérience commune à des personnes qui ne se connaissaient pas forcément avec comme support la marche sur cette île volcanique encore vierge et parfois hostile. Cette marche collective devait permettre aux participants de découvrir ou de redécouvrir qui ils étaient. Outre le support de la marche, le fil rouge de ce voyage était de développer la sensibilité des participants à travers la création artistique (photographie, dessin, écriture, chant…).

Mais comment faire adhérer les jeunes que j’accompagne depuis plusieurs années ? J’avais presque l’impression que le mot « art » était un mot tabou pour eux. J’ai dû souvent répondre aux questionnements et aux craintes plutôt terre à terre de Kyllian et Patrick, qui ont osé s’engager dans ce projet mais qui avaient peur de prendre l’avion, se demandaient s’ils seraient capable de marcher 20 à 30 km par jour, s’il y aurait du réseau téléphonique…

Pour toi, c’était quoi l’objectif ?

Mon objectif d’éducateur était plutôt axé sur le renforcement de la relation éducative que j’ai créé avec ces jeunes et sur la possibilité qu’un tel projet soit un accélérateur, un déclencheur dans leur projet de vie. Sortir ces jeunes du confort relatif de la vie à la MECS et dans le pays de Redon, partir à la découverte d’un ailleurs, expérimenter un autre rythme de vie, se donner le temps de réfléchir à ce qui est important, couper avec les gestes ancrés et automatiques du quotidien.

Photo : Nicolas Burban

Et alors, quel est ton bilan ?

D’abord ce voyage a renforcé le lien de confiance existant entre les jeunes et moi. Ce sentiment de pouvoir être soutenu et de pouvoir soutenir est je pense essentiel pour ces jeunes à l’enfance cabossée qui n’ont souvent pas eu d’autres choix que de compter sur eux-mêmes.

Un des leitmotiv de ce voyage a été que tout seul on va plus vite mais qu’ensemble, on va plus loin. J’espère sincèrement que cela restera comme une évidence pour eux.

Ces jeunes ont aussi parfois tendance à ne pas oser faire les choses, à ne pas tenter. Aussi le fait qu’ils aient dépassé de nombreuses appréhensions leur a montré qu’ils étaient capables de faire, de se surpasser, de se confronter à l’inconnu sans que cela soit dangereux pour eux.

Je dois avouer que les jeunes m’ont impressionné par leur capacité à s’adapter.

Ce qui me semble important, c’est que leur propre regard sur eux a évolué… Je suis convaincu que ce beau projet a pu leur permettre de prendre confiance en eux, de débloquer certaines choses, et continuera peut-être à leur servir de façon consciente ou inconsciente dans leur vie future.

Photo : Nicolas Burban

Pourquoi ces jeunes ont-ils besoin d’être suivis, accompagnés ?

Ces jeunes ont en commun des situations familiales compliquées et n’ont souvent pas eu la chance de bénéficier d’un cadre rassurant et structurant au sein de leur famille. Ils ont souvent dû faire face aux nombreuses incohérences des adultes qui les entourent et ont donc besoin d’apprendre à se faire confiance et à faire confiance à l’autre. Sans entrer dans des détails, la plupart des jeunes sont placés sous la protection du Département par le juge des enfants.

Un de mes idéaux d’éducateur en MECS est que les jeunes que j’accompagne puissent prendre conscience qu’ils ont le pouvoir de faire évoluer les choses et qu’a un moment ils seront les seuls responsables de leur vie. De leur permettre de se rendre compte que différents chemins sont possibles et que la vie n’est pas une fatalité.

Un documentaire sonore a été réalisé durant ce voyage et a été diffusé sur France Culture en novembre 2021

Un podcast original, en 4 épisodes, pour une "Expérience" signée Anna Buy, réalisée par Annabelle Brouard

Retrouvez cet article dans le magazine Cactus-Pays de Redon et son numéro de janvier-février 2022

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